Keith Richards, Exeter 1964
«La photo, c’est bricoler l’avenir avec du passé.»
Pierre Michon dans Rimbaud le fils
Pascal Chassin, photographe et musicien, a été acteur et témoin de la période la plus agitée et créative de l’après guerre : la fin des sixties avec 1968 comme apogée.
Acteur parce que musicien dans un des groupes phares de la révolte étudiante : Komintern. Témoin en tant que photographe saisissant à la volée l’instant d’un regard parmi les visages de la rue aussi bien que metteur en scène de happenings photographiques, figeant dans son cadre des situations théâtralisés.
Ces clichés évoquent une période forte de notre histoire : ils portent en eux un avenir qui y fera sans cesse référence.
Les années 70 constituent le moule de l’expression artistique contemporaine ; souvenirs de moments de liberté, de création intense, d’improvisations sans retenues, mémoire des héros emblématiques : Andy Warhol, Lou Reed, Jim Morrison, Led Zeppelin.
Dans son travail Pascal Chassin réorganise le réel comme Weegee inventait New York dans les années 30 : réalisme, fantasme et dérision et glisse vers un surréel à la Man Ray. Il mélange les genres sous son contrôle : les passants de la rue qui pour la plupart fixent l’objectif et semblent interroger l’opérateur, pourquoi moi ?
Les mises en scène complexes et oniriques où un personnage en mouvement s’oppose à l’immobilité d’un autre comme s’il fallait traverser le cadre, fuir de l’autre coté de l’image pour ratrapper un réel qui s’évanouit. Des portraits aux lumières crues et violentes, d’où les gris sont absents et les regards indécis. Des musiciens mythiques saisis dans l’urgence des concerts, d’autres qui posent en noir et cuir sous Icare qui s’envole. Des ruelles étroites, de nombreux parapluies pour s’abriter de la prochaine tempête, des solex à l’envers, des nuits en ville, des regards de femmes, des barques emmêlées rendant le départ impossible, tout un univers symbolique et recomposé d’une époque en mouvement.
Pascal Chassin construit un monde étrange et poétique, sensible et violent comme le fut cette période décisive.
‘Photography, it’s all about patching together the future with the past’
Photographer and musician Pascal Chassin was both player and witness to one of the most exciting, turbulent and creative periods of the post-war years, the late1960’s and 1968 as a peak.
Player because the group he played in, “Komintern”, was at the forefront of the student uprising; witness because as a photographer he could suspend time with a sideways glance seized from the midst of a crowd, or a “mise en scene” staged for his camera lens.
These images transport us back to a crucial period of our history, and yet continually touch upon our future. The 70s formed the roots of contemporary artistic expression: recollections of freedom, of intense creativity, of un-bridled improvisation and flashbacks to iconic heroes past: Andy Warhol, Lou Reed, David Bowie, Jim Morrison, Led Zeppelin.
Pascal Chassin plays skilfully with the different genres at his fingertips, and his work gives reality a make-over just as. Weegee reinvented New York in the 1930s: Realism, fantasy and derision, slipping into a surrealism which nods at Man Ray.
Passers-by seem to stare into his lens asking the camera: “why me ?” Strange and dreamlike “mises en scene” where movement is set against stillness as if one had to cross through the picture and emerge the other side to catch a vanishing reality. Starkly lit portraits, where grey tones are absent, are home to uncertain regards, musicians posing in black leather under a landing off Icare and rockstars trapped in the urgent immediacy of a gig.
Narrow alleys, umbrellas to shelter from the storm, upside down mopeds, bright lights city nights, women’s glances, tangled boats unable to leave port, an emblematic and reconstructed world from an era on the move.
Pascal Chassin built a strange and poetic world, sensitive and violent, a kind mirror of a crucial turning-point regarding our recent history.
Olivier Kowalski